Movember ? Comprenez le mélange entre les mots « Novembre » et « Moustache ». Mais alors… Cela signifie que pendant trente jours, on va assister à un défilé de moustachus ? Oui, mais si je réponds que c’est pour la bonne cause… Ca passe ? Oui et non.
L’octobre rose et le movember, à chacun sa mobilisation
Le mois d’octobre qui vient de s’écouler est la période désignée depuis une dizaine d’années pour sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein. Des opérations, loufoques ou sérieuses, sont mises en place pour permettre cette sensibilisation.
Dans la même idée, Movember encourage tous les hommes partisans de l’opération à se faire pousser la moustache sur tout le mois de novembre, dans le but premier de sensibiliser à des maladies typiquement masculines, puisqu’il s’agit du cancer de la prostate, qui tue en France 10 000 personnes par an, et de celui du testicule, qui concerne un cancer sur trois contractés par les hommes. Dans un deuxième temps et plus généralement, l’enjeu est d’inciter les hommes à s’occuper davantage de leur santé.
Là où l’idée peut rejoindre la cause, c’est par le slogan : « Changer le visage de la santé masculine ». Autrement, la moustache paraît être un accessoire de sensibilisation assez étrange…
Pourquoi, mais POURQUOI la moustache ?
Il y en a, des raisons. En tout cas, j’en vois trois. Tout d’abord, la moustache ne semble plus à la mode aujourd’hui alors qu’elle faisait rage au dix-neuvième siècle. Ainsi, la moustache aujourd’hui apparaît comme un décalage avec notre mode contemporaine. Ce décalage dans le look des hommes qu’on croisera dans la rue est sans doute le meilleur moyen de susciter la curiosité, de faire poser des questions, et de pouvoir aborder un sujet aussi délicat et intime que la santé masculine.
Ensuite, la moustache est historiquement le signe de la virilité et un symbole de pouvoir, surtout en Orient et dans le monde arabe. En Turquie par exemple, il est actuellement très à la mode d’arborer une fausse moustache. Mettre en avant cet accessoire peut ainsi permettre aux hommes d’affronter les dangers liés à leur santé avec la virilité dont ils voudraient faire preuve.
Enfin, la moustache, ça s’entretient, et ça demande à la fois de la patience et de la volonté. Car il s’agit de ne pas se retrouver avec un visage ridicule ! Or, la patience et la volonté sont des qualités à développer pour faire face à un problème de santé sérieux.
Doit-on soutenir nos moustachus de novembre ?
Là, je suis dans un premier temps plus sceptique quant à l’utilité et au caractère désintéressé d’une telle opération pour évoquer un sujet aussi sérieux. Toute une stratégie marketing se cache derrière le phénomène, avec une organisation digne d’une grande entreprise (conseil d’administration, conseil scientifique, commission des finances, commission marketing…). Il y aurait un but lucratif à cette initiative que ça ne m’étonnerait pas.
Au moins, le sujet de la santé masculine est mis en exergue, et il ne devrait pas être isolé car il a des répercussions sur notre société. En effet, les statistiques montrent que les hommes prennent moins soin de leur santé que les femmes, et c’est l’un des sujets que pointe Movember, pour inciter les hommes à se prendre en main car ils ne sont pas invincibles.
Or, dans son discours sur le féminisme prononcé à l’ONU, Emma Watson revendique une société dans laquelle les hommes acceptent et assument le fait qu’ils sont vulnérables et sensibles. Et qu’à partir de là, on franchit un pas vers l’égalité entre les hommes et les femmes. Là, la lutte prend une ampleur supérieure à la taille d’une moustache, non ?
Enfin, Movember aura peut-être le mérite de rétablir la mode de la moustache. Vous ne trouvez pas ça sexy ? Elle constituait en tout cas un accessoire érotique certain il y a un peu plus de cent ans. Preuve en est avec le témoignage de Jeanne à Lucie, dans un récit écrit par Guy de Maupassant :
Vraiment, un homme sans moustache n’est plus un homme. Je n’aime pas beaucoup la barbe ; elle donne presque toujours l’air négligé, mais la moustache, ô la moustache est indispensable à une physionomie virile. Non, jamais tu ne pourrais imaginer comme cette petite brosse de poils sur la lèvre est utile à l’œil et... aux... relations entre époux. Il m’est venu sur cette matière un tas de réflexions que je n’ose guère t’écrire. Je te les dirai volontiers... tout bas.
